Pourquoi nous ne serons pas dans la rue avec vous aujourd’hui.
Lettre ouverte à signer – 27 septembre 2019.
Alors que la planète médiatique ne cesse de marteler le caractère historique et grandiose de la manifestation pour le climat qui se déroule aujourd’hui, pour nous – miliantEs en situation de handicap et alliéEs – la journée n’aura rien d’historique et de grandiose. Ce sera la répétition d’un scénario bien rodé : celui de notre exclusion quasi-systématique des luttes sociales et environnementales.
Nous ne ressentirons pas votre fébrilité et votre joie de vous retrouver en compagnie de milliers de personnes qui partagent votre désir de changement, l’excitation qui vient avec le sentiment de faire partie d’un mouvement plus grand que soi-même. Nous éprouverons plutôt des sentiments que nous connaissons bien : la colère et la déception. La déception de devoir, une fois de plus, se contenter d’un rôle de spectateur ou de spectatrice. La colère d’être excluEs d’une lutte qui nous concerne autant, sinon davantage.
Notre participation à cette mobilisation était compliquée dès le départ. Depuis l’annonce de la tenue de cette manifestation jusqu’à son départ aujourd’hui, une suite de décisions humaines et évitables ont fait en sorte qu’une grande partie de vos concitoyens et concitoyennes en situation de handicap ne seront pas à vos côtés dans la rue. Par choix ? Assurément pas.
Premier obstacle : le manque d’informations et l’entêtement des groupes organisateurs à garder secret l’itinéraire. Quand? Où? Le trajet sera-t-il facile à parcourir ? Sans obstacles ? Des informations élémentaires que le manifestant typique – lire : qui n’est pas en situation de handicap – peut se permettre d’obtenir le jour même. C’est un peu différent pour nous et les gens que nous représentons, avec nos déplacements planifiés et réservés à l’avance. Les informations nous parvenaient au compte-goutte, tantôt contradictoires, tantôt confuses. Le dialogue amorcé avec les groupes impliqués de près ou de loin dans l’organisation n’a rien changé : pour des raisons de sécurité, l’itinéraire ne sera pas dévoilé, même de façon confidentielle. Si votre but était d’assurer notre sécurité, c’est réussi : c’est de l’intérieur paisible de nos domiciles que nous regarderons passer votre cortège. Trop souvent, nous avons accepté cette excuse avec résignation, avec solidarité même parfois, soucieux et soucieuses que vos actions soient une réussite. Cette pratique du secret, bien répandue dans les milieux militants, est contestable en toutes circonstances, mais elle est assurément injustifiable lors d’une mobilisation de si grande envergure où le potentiel de répression ou de perturbation est nul.
Nous avons tenté de faire fi de ce premier obstacle, de glaner ici et là les informations dont nous avions besoin. Nous avons organisé nos services à domicile en conséquence. Nous avons planifié notre journée avec minutie, c’est-à-dire : prévoir amplement de temps avant et après la manifestation, trouver des adresses de transport suffisamment loin du périmètre de sécurité, mais qui respectent nos capacités et celles de nos aides à la mobilité, trouver des toilettes accessibles, des endroits où l’ont puissent se nourrir, réserver longtemps à l’avance les déplacements pour ne pas se les voir refuser comme c’est souvent le cas lorsque des perturbations sont prévues, etc. Nous avons aussi affronté nos petites voix intérieures, celles qui nous rappellent que les foules nous sont parfois hostiles avec des marcheurs et des marcheuses distraitEs, exaltéEs, et nous, à mobilité réduite, presque invisibles.
Malgré tous ces obstacles, nous voulions être à vos côtés. Nous le voulions parce que comme vous, nous croyons que cette lutte relève du devoir citoyen et que, croyez-le ou non, nous sommes des citoyens et des citoyennes à part entière. Nous avons certes nos luttes et nos enjeux spécifiques – pour lesquels votre contribution est toujours la bienvenue soit dit en passant – mais nous sommes avant tout des êtres humains qui, comme vous, sommes inquiets et inquiètes de l’avenir de la planète et croyons que le statu quo est insoutenable.
Nous voulions aussi manifester à vos côtés parce que les personnes en situation de handicap doivent être représentées dans le mouvement environnemental. Nous devons avoir un rôle actif dans la transition énergétique pour s’assurer que les solutions proposées ne créent pas de situations de discrimination supplémentaires, comme cela a été le cas pour le mouvement anti-paille. Nous devons également faire partie de la réflexion parce que les changements climatiques n’affecteront pas tous les individus de la même façon. On le voit déjà dans une certaine mesure, puisque les épisodes de canicule affectent davantage les personnes âgées, les personnes ayant des maladies chroniques, les personnes à faible revenu, etc. Les inondations sont un autre bon exemple: si c’est toujours déchirant de devoir quitter sa maison, il n’en reste pas moins que c’est autrement plus complexe pour celles et ceux qui ont des problèmes de mobilité.
En dépit donc, de notre prévoyance et de notre motivation, en dépit du fait que nous sommes directement concernéEs par la lutte dans laquelle s’inscrit cette manifestation, nous ne serons dans la rue avec vous.
Hier, en toute de fin de journée, la Société de transport de Montréal a cavalièrement décidé d’annuler les déplacements en transport adapté en direction ou en provenance de la manifestation. Sans plan B et beaucoup trop tard pour que nous puissions en élaborer un nous-mêmes.
Quand vous vous époumonerez au nom de cette lutte prétendument universelle, merci de garder en tête que cette manifestation reproduit des comportements, attitudes et habitudes discriminatoires qui nous empêcheront, une fois de plus, de manifester à vos côtés.
La lettre a recueilli plus de 190 signatures. Merci ! Nous vous tiendrons au courant des démarches entreprises.
Steven Laperrière
Laurence Savignac
Jn-Marie Grenier
Sylvain Plourde
Linda Gauthier, RAPLIQ
Alexandre Cherton
Jérôme Saunier
Map – Citoyen.ne, artiste, activiste autiste et allié.e
Josée boyer
Daniel Lepage
Laurent Morissette
Danny Campbell
France Rochon
Judith Rouan
Gaëtan Gervais
Serge Poulin
Anne-Marie Allaire
Catherine Perron
Olivier Collomb d’Eyrames
Jody Negley
Francine David
Annick lambert
Liette Morin
Noémie Racine
Diane Perreault
Julie-Anne Perrault
Mélanie Beauregard
Marie-Josée Blais
Annie Dorion
Houria Hamzaoui
Geneviève Bourgault
Fabienne Husson
Jacques Caron, personne malvoyante et utilisateur du transport adapté de Montréal
Lynda Khelil
Renée Laurendeau
Laurent Tremblay
Sarah-Jeanne Tamas
Lucy B.
Stéphanie
Nancy Lévesque
Marie-eve Sarrazin
Miriam Rouleau-Perez
Normand Gilbert
Gabrielle Champagne
Françoise Hautle
Valérie Rioux
Julie Paquet-Charest
Didier Rabette
Bruno Martel
Patricia Lehalle
Suzanne Beaulieu
Manon Aubertin
Normand Gilbert
Marianne Desrochers
Julien Gascon-Samson
Louise Miller
Claudia Thibault
Camille Joanisse
Hélène Morin
Florence Tiffou
Eva Markovits, utilisatrice du transport adapté de la STM
Marie Turcotte
Tommy Saravo
Thérèse Colin
Renée Turcotte
Julie Corbeil, TROVEP de Montréal
Isabelle Guimond
Association lavalloise pour le transport adapté
Cécile Retg, coordinatrice de l’Association québécoise des personnes de petite taille
Andrée Pelletier
AQEIPS
Benoit Bluteau
Marielle Pelletier
Carolina Rott
Marek Kamieniarz
Sébastien Trottier
Isabelle Decamps
Jocelyne Tremblay
Johanne Garneau
Valerie Poirier
Samuel Viens
Arlene Moran
Marc Tremblay
Alexis Rochon
Pierre Samuel
Jean-Pierre Boivin
Caroline Maltais
Bassam Ajam
Mathieu Noel
JOSIANE MARCOUX
Isabel Molliet
Yves Bruneau
Carly Halligan
Roch Lafrance
Dadyne
Jean-Françoi Boulais, A.Q.P.P.T.
Micheline Gaudet
Lisa Tronca
Isabelle Mailloux-Béïque
Marie-Michèle Beaudoin
Steeve Rheaume
Stéfania Tremblay
Les Jumeleurs / Espace communautaire
Patricia Gagné
Manon Choinière
Simon Cloutier
Danick Gemme
L’Écho des femmes de la Petite Patrie
Mathieu Francoeur, Mouvement PHAS
Alain Charbonneau
Maude Massicotte
Lise Couturier
Line Lecours, Promotion handicap Estrie
Isabelle Mailloux-Béïque
Julie Bincteux
Marie-Claude Beauchamp
Linda Bourgeois