Budget Girard 2020-2021 : les proches aidants, la nouvelle main-d’œuvre du gouvernement

Notre analyse du budget d’aujourd’hui

Québec, 10 mars 2020 – Les annonces contenues dans le budget aujourd’hui indiquent une volonté de la CAQ de poursuivre une lourde tendance dont nous avons été témoins ces dernières années : elles reconduisent pour au moins une année le désengagement du gouvernement des services d’aide à domicile et confirment un recours de plus en plus important aux proches aidants pour prodiguer les services auxquels les personnes en situation de handicap ont droit.

La principale mesure annoncée en soins à domicile, un investissement de 384 M$ sur 5 ans, est tout-à-fait insuffisante puisqu’elle fait fi de deux des variables majeures de la situation actuelle des soins à domicile au Québec. La première est le nouveau Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires.

Ce règlement, en vigueur depuis janvier 2020, a pour effet d’harmoniser les salaires des préposées provenant d’agences avec ceux des préposées du réseau public, considérablement plus élevés. Nous craignons donc que l’investissement annoncé soit au final ineffectif sur le plan de la qualité et de la quantité des services, puisqu’il sera entièrement englouti par les hausses attendues des contrats que les CIUSSS reconduiront en 2020 avec les agences privées de main-d’œuvre.

La seconde variable est relative aux conditions salariales des préposées aux bénéficiaires employées du réseau. En effet, le présent budget annonce les offres salariales de la partie patronale dans le cadre de la présente renégociation des conventions collectives du secteur public : une augmentation de 7% sur 5 ans. Il s’agit d’une hausse inférieure à celle du coût de la vie. Le gouvernement propose donc l’appauvrissement des travailleurs et des travailleuses du réseau de la santé.

Dans ce contexte, il apparaît improbable que les CIUSSS soient en mesure de pourvoir de nouveaux postes en soutien à domicile, quand bien même ils disposeraient préalablement des budgets pour les ouvrir. Pour ces raisons, et en l’absence d’un rehaussement significatif des conditions salariales des employées du réseau, il y a fort à parier que ce nouvel investissement ne parviendra pas à modifier substantiellement la situation des soins à domicile au Québec. Ce constat est en outre renforcé par le fait qu’une autre des modalités des services de soins à domicile, le Chèque emploi-service, n’est l’objet d’aucun réinvestissement dans ce budget. Les salaires des préposées travaillant au travers de ce programme demeureront inchangés, les sommes totales allouées au programme également.

Ce portrait de la situation dans les services à domicile contraste radicalement avec celui des programmes réservés aux proches aidants. Les mesures à l’intention de ces derniers totalisent presque le double de celles allouées aux services à domicile : 600 M$.

Le crédit d’impôt pour proche aidant double si la personne aidée demeure dans la même résidence que son proche. Le budget annonce aussi un nouvel investissement de 68 M$ sur cinq ans pour des maisons de répit destinés aux proches aidants. De plus, il reconduit et formalise l’annonce du 12 novembre dernier : une personne en situation de handicap pourra payer des membres de sa famille grâce au programme du Chèque emploi-service. Le père ou la mère de la personne majeure en situation de handicap pourra même désormais recevoir un salaire du chèque emploi-service, même s’il ou elle demeure sous le même toit que son enfant. Pour ce cas précis, un minimum de 20,5 heures sera désormais alloué. D’autres mesures, notamment sur le plan des prestations d’aide sociale et du supplément pour enfant handicapé, ont été annoncées.

En résumé, le gouvernement refuse d’améliorer substantiellement les conditions de travail des préposées travaillant en soutien à domicile alors qu’il augmente du même coup les sommes allouées aux proche-aidants. Plus encore : le gouvernement bonifie les incitatifs dont peut se prévaloir un proche-aidant s’il fait le choix de demeurer avec la personne aidée. Le constat est donc clair : ce budget consacre l’accélération par le gouvernement du recours aux proches aidants pour assurer des soins et des services dont il avait historiquement la responsabilité.

Source : François Allard, Ex aequo, 514 288-3852 poste 229, [email protected]
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