Santé et services sociaux

Collectivisation des responsabilités

La réforme du programme chèque emploi-service (CES) reste en suspens malgré les promesses du gouvernement, tandis que la privatisation et la centralisation du système de santé suscitent de vives inquiétudes.

L’inaction du gouvernement dans une révision du chèque emploi-service (CES) s’est poursuivie durant 2023-2024, malgré son annonce d’une révision en cours l’année précédente. Un nouveau cadre normatif, promis pour l’automne 2023 par le cabinet de la ministre Sonia Bélanger, n’a pas été livré. Le gouvernement refuse de toucher à la question des salaires des préposées avant 2024. C’est dans un contexte où 39% des toutes les heures offertes en services d’aide à domicile au Québec le sont par le biais du CES. Pourtant, le financement du programme ne dépasse pas 8,4% de tout le budget du soutien à domicile (SAD) de la province. Les chiffres que nous avons obtenus des CIUSSS de l’île de Montréal confirment aussi une augmentation du recours au CES à plusieurs endroits. Ce contexte fait en sorte que nous avons choisi de prioriser la mobilisation autour du CES.

La réforme Dubé

La réforme Dubé a aussi marqué l’année 2023-2024, attisant les inquiétudes de plusieurs groupes au sein de la société civile. Les débats autour de la Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace – le projet de loi 15 – ainsi que son adoption sous bâillon en décembre ont déclenché la controverse. La loi normalise la privatisation dans le milieu de la santé. Elle néglige les services sociaux. Elle conçoit les organismes communautaires comme de simples fournisseurs de services bon marché. Puis elle centralise le réseau, déjà trop centralisé, par l’entremise de la nouvelle société d’État, Santé Québec. La place des citoyenNEs dans la prise des décisions concernant la santé et les services sociaux est plus que jamais mise en doute.

Les personnes en situation de handicap (PSH), pour qui les services du réseau sont essentiels, risquent d’avoir encore plus de difficultés à se faire entendre. La privatisation grandissante et la centralisation alimentent cette menace. Les grèves de novembre et décembre, dans le cadre des négociations sur les futures conditions de travail dans le réseau, ont aussi eu un impact négatif sur les services, dont ceux du SAD.

La publication des tomes du rapport sur le SAD du Commissaire à la santé et au bienêtre (CSBE), intitulé Bien vieillir chez soi, a ponctué 2023-2024. Ses recommandations sont parues en janvier. La décision du CSBE de se concentrer sur l’impact du SAD sur les personnes âgées a été prise au détriment de la place des personnes en situation de handicap dans cet enjeu. Ses recommandations tiennent peu compte des réalités de nos membres. Comble du comble, le CSBE recommande de faire payer, en fonction de leurs revenus, les personnes qui ont recours aux services d’aide à la vie quotidienne (AVQ) : comme les transferts du lit au fauteuil roulant, ainsi que l’aide à se laver, se vêtir et se nourrir. Même chose pour l’aide à la vie domestique (AVD) – la préparation des repas, le ménage – quoique plusieurs paient déjà pour ces services. La ministre Sonia Bélanger a rejeté d’emblée la proposition de tarifer l’aide à la vie quotidienne. Mais ce gouvernement, ou le prochain, changera-t-il d’idée s’il redevient populaire dans les sondages?

En matière de santé et de services sociaux cette année, nos activités de défense collective des droits se sont concrétisées par :

  • La campagne Le chèque emploi-service au bord du précipice, par laquelle plus de 400 lettres ont été envoyées à des députéEs de l’Assemblée nationale pour les sensibiliser aux enjeux des autogestionnaires et de travailleuses du CES et porter nos revendications; l’ADCD et Oxili ont collaboré dans la diffusion de cette campagne pour rejoindre les autogestionnaires et les préposées que l’enjeu touche;
  • le suivi de la parution des tomes du rapport du CSBE sur le SAD, puis la publication d’un communiqué pour dénoncer tant l’invisibilité des PSH dans son rapport que la recommandation de faire payer les personnes qui ont recours à l’AVQ et l’AVD;
  • l’organisation d’une entrevue avec le Journal de Montréal pour dénoncer l’impact de la grève sur le SAD pour les PSH;
  • la participation à un panel sur les conditions de travail de préposées du secteur privé pour parler des travailleuses du CES, en collaboration avec Oxili;
  • le développement avec les CIUSSS montréalais d’une entente pour faciliter les prélèvements d’urine par le biais du SAD; puis d’une entente pour avoir de la souplesse dans l’horaire d’admission des chirurgies d’un jour, pour les personnesqui ne peuvent s’y rendre tôt le matin à cause des horaires du SAD et du transport adapté.

 

En concertation :

  • Rencontrer la députée caquiste Maryline Picard et le personnel des cabinets des ministres Sonia Bélanger et Lionel Carmant pour exiger dans la révision du CES une collaboration étroite avec les PSH. Cette rencontre a eu lieu avec d’autres groupes du Collectif des organismes de défense des droits des PSH.
  • Participer au comité de coordination et à d’autres comités de la Coalition solidarité santé, pour défendre le caractère public, universel et gratuit du réseau de la santé et des services sociaux, puis porter de l’avant une vision de l’avenir de la santé où les citoyenNes sont au cœur des décisions du réseau par la vidéo Québec 2038.
  • Travailler de concert avec le groupe Parents pour toujours pour mettre de l’avant nos campagnes respectives exigeant une révision du CES : leur pétition, qui a recueilli plus de 5000 signatures, et notre campagne de lettres Le chèque emploiservice au bord du précipice.

 

Lire le mémoire rassemblant nos propositions pour le CES

Lire la plateforme de revendications Santé et Services sociaux 2020-2024

Nos priorités pour l’année 2024-2025

Développer des partenariats fructueux afin d’organiser une campagne d’actions pour obtenir une révision du CES qui bonifie grandement la
rémunération et les conditions de travail des préposées

La mobilisation autour du CES se poursuit ! Les gens qui ont recours au CES ont de plus en plus de difficultés à embaucher des préposées et à les conserver. Le salaire et les conditions de travail qu’on impose aux préposées du CES ne sont pas compétitifs avec ceux du secteur public, des agences privées et des entreprises d’économie sociale en SAD. Un rapport publié par l’organisme Au bas de l’échelle met de l’avant toutes les protections pourtant minimales des normes du travail qu’on refuse à ces travailleuses.

Leur temps et leurs frais de déplacement ne sont pas remboursés, contrairement aux préposées du CIUSSS, des EÉSAD et des agences privées. En conséquence, il est presque impossible de trouver des préposées pour des blocs de services courts, mais essentiels. Les documents que nous avons obtenus des CIUSSS et le rapport d’Au bas de l’échelle le confirment : la part du CES dans la livraison du SAD est importante et elle grandit. La pression devient sans précédent sur le bassin de préposées prêtes à travailler aux maigres conditions que le CES offre. Pour assurer la viabilité du programme, il faut rendre attrayant pour les préposées d’y travailler. Leur statut juridique
en tant que travailleuses doit changer.

Le partenariat fructueux d’Ex aequo avec le groupe Parents pour toujours nous encourage à cibler les partenaires potentiels qui travaillent activement à faire changer le CES. Ces partenariats nous permettront d’organiser des actions de visibilité et d’impact pour poursuivre l’escalade de la pression dans ce dossier.

Défendre l’importance du SAD pour les PSH auprès des personnes décideuses et de groupes ciblés du grand public

L’année 2023-2024 a marqué un recul de la visibilité des PSH dans la conversation autour du virage vers le SAD. Ce recul est d’autant plus honteux quand on considère le rôle central que les PSH ont joué dans la création du SAD au Québec à la fin des années 1970 et durant les années 1980. Dans de nombreux pays où l’assistance personnelle – une aide autogérée plus élargie que le SAD – est développée pour les PSH, comme les pays scandinaves, c’est un programme qui est distinct du SAD pour les personnes vieillissantes. Cela garantit que les besoins spécifiques aux adultes en situation de handicap sont pris en compte et qu’il y a un financement qui leur est consacré. La dérive de la prise de décision autour du SAD vers les besoins exclusifs des personnes âgées se fait aux dépens des besoins des PSH. Bien que le SAD pour les personnes âgées soit important et que leurs besoins soient mal desservis en ce moment, on ne doit pas oublier les PSH dans cet enjeu. Notre milieu aura accompli une victoire importante lorsque SAD cessera d’être associé systématiquement aux personnes âgées et qu’on reconnaîtra qu’il est indispensable aux PSH.

Cette reconnaissance doit avoir lieu si nous espérons que le gouvernement bonifie l’aide à domicile pour les personnes ayant une déficience motrice.

 

Exiger la bonification des services de SAD offerts aux personnes ayant une déficience motrice

Nos membres nomment constamment l’insuffisance des heures accordées en SAD par les CLSC. Plusieurs disent aussi subir une pression d’aller en hébergement longue durée. Cela se produit en particulier quand l’évaluation de besoins détermine qu’il faut à la personne plus d’heures de services en SAD que ce que le CLSC est prêt à offrir. Ceci contrevient à la politique gouvernementale Chez soi : le premier choix sur le SAD, dont les principes fondamentaux sont de faire du domicile « toujours la première option à considérer » et de prioriser le choix des personnes. Aussi, trop de personnes ayant besoin du SAD pour prendre leur bain ou leur douche ne reçoivent ce service qu’une fois par semaine. C’est malgré une décision récente du Protecteur du citoyen favorable à un deuxième soin d’hygiène complète offert en SAD, ainsi que la victoire d’un de nos militants voulant obtenir plus d’un bain par semaine.

De plus, le rapport du CSBE révèle que le nombre de personnes ayant une déficience physique qui reçoit du SAD stagne. Les rares passages du rapport touchant aux personnes ayant une déficience physique confirment la même stagnation du nombre total d’heures de services qui leur sont offertes. L’absence de fonds et d’objectifs spécifiques pour garantir l’augmentation des services en SAD pour les personnes ayant une déficience physique font de celles-ci les oubliées du supposé virage vers le SAD. La lutte pour une bonification des services de SAD, tant dans le nombre total d’heures de service que dans le nombre de bains par semaine, en est une de longue haleine. Mais les exemples de ce qui se fait en Scandinavie montrent que la société québécoise peut faire des choix différents dans le soutien qu’elle offre quotidiennement aux adultes ayant une déficience motrice. Ex aequo va continuer d’exiger que le Québec fasse beaucoup mieux à cet égard.